Difunts sota els ametllers en flor
Baltasar Porcel
Défunts sous les amandiers en fleurs
>“Je savais que le Jour des Morts arrivait parce que les bourgeons
éclataient, les fleurs retrouvaient une beauté resplendissante, et dans
les ruches les rayons laissaient tomber de lourdes gouttes de miel.
Chaque matin, à mon lever, je voyais de ma fenêtre le bourg dans la
lente fumée blanchâtre des fours, l’atmosphère imprégnée de l’odeur
tiède du pain chaud, je voyais le jardin de Baldoví, à l’extrémité
duquel, derrière la noria et le palmier écartelé, fleurissant de
magnifiques plates-bandes de dahlias jaunes, à l’abondant feuillage
dentelé, et de chrysanthèmes rouges à longues feuilles. Baldoví prenait
soin des fleurs, carré rutilant sur le terra brunâtre, masse tremblant
au souffle des premiers vents, brusques et mous, de l’automne.
Et puis il vendait toutes ces fleurs aux descendants des morts – de
tous les morts – qui, au jour étrange du premier novembre, viennent au
cimetière avec des bouquets encore humides du jardin de Baldoví.
Baldoví, qui coupait un bouquet de chrysanthèmes avec les sécateurs et
les donnait à une femme maigre, silencieuse et endeuillée. Le rouge des
fleurs ressemblait à une langue de feu sur le noir de la robe.
Nos morts recevaient peu de fleurs. Il y avait toujours accrochées à
leurs tombes, des couronnes de fer blanc, dorées et argentées, qui
vibraient avec un son métallique lorsque quelqu’un les heurtait du
coude. Les Jour des Morts, on y installait de petits autels de bois
avec une rangée de cierges. Pendant la journée, quelqu’un de la famille
y montait la garde car les cierges vacillaient, s’éteignaient souvent.
Vers le soir, une fois le soleil couché, une clarté livide traînait par
les allées du cimentière, avec les fleurs qui commençaient à flétrir,
les lumières fragiles, coleur de calebasse, des cierges, et les gens
endimanchés qui marchaient lentement, rappelant devant les tombes la
vie de ceux qui étaient morts. C’était comme une folie hallucinée et
douce.<
Traduït per Pèire Lagarda
Baltasar Porcel, Défunts sous les amandiers en fleurs
. PORCEL, Baltasar. Défunts sous les amandiers en fleurs. Traduction de Pèire Lagarda. Mussidan: Fédérop, 1988