e la luce nordica, nociva e pazza, si ferma sul muro
Fleur Jaeggy
I
tu avances à l’aveugle — en bordure
tu traverses chênaies garrigues marais champs de blé
une allée d’ormes — un chemin d’air
les eaux sombres de la mémoire
un silence affolé
au loin tu devines une clairière radieuse
— la maison de la lumière
tu crois avoir atteint le lieu d’où tu es parti
plus tu t’en approches plus il s’éloigne
II
première heure — première lueur
des formes lointaines bougent dans l’air
absentes présences — avide race prophétique — murs de silence
le délire du tremblement
un frémissement résonne dans le nid des vipèresIII
habiter le seuil même de la parole
là où la lumière
est invisible où tout devient visible
IV
la parole
surgit— délimite — frappe
elle t’éloigne du réel
elle façonne
le son d’un indice
le son d’une pensée
le son de l’insondable
le son de la lumière
radical silence de dieu
V
à cette heure
de pins clairs et tendres
de rochers abrupts et de chemins boisés
la lumière te semblait pur reflet de l’enfance
VI
le regard t’amène hors de toi — au-delà de tout
cet éclat de lumière arrive d’un ailleurs
dont tu ne sais rien
et tu écris — et tu t’écris
comme si tout en dépendait
VII
la lumière traverse toute frontière — approche la limite
s’égare — non pas ailleurs
mais en toi
VIII
les mots du silence dissous dans la lumière
écriture blanche
IX
des gouttes de rosée
se posent sur un fil d’acier
traces d’anciens silences — absences évoquées
X
maison de lumière et d’argile — plainte de sable
silence et solitude
espace sans ombres
désert
habiter ce vide comble
XI
la dérive du temps sans mémoire
la fuite des dieux
l’écriture — contre l’étrangeté de vivre
contre la mort reportée
XII
dépouiller — se dépouiller — se dessaisir
de toute avidité
ni posséder ni être possédé
posséder –– être perdu
disparaître dans la lumière — s’y fondre en apprenant à douter de tout
menace d’argile ancienne