Salvador Espriu
Cimetière de Sinera
XXV
Au bord de la mer. J’avais
une maison, mon rêve,
au bord de la mer.
Haute proue. Par de libres
chemins d’eau, la svelte
barque que je menais.
Mes yeux connaissaient
tout le repos et l’ordre
d’une petite patrie.
Comme j’ai besoin
de te raconter la frayeur
de la pluie sur les vitres !
Aujourd’hui tombe une nuit noire
sur ma maison.
Les roches noires
m’appellent au naufrage.
Captif du cantique,
de mon effort inutile,
qui peut me guider vers l’aube ?
Au bord de la mer j’avais
une maison, un lent rêve.
Translated by Mathilde i Albert Bensoussan i Denise Boyer
Salvador Espriu, Cimetière de Sinera. Suivi de Les heures et de Semaine Sainte. Traducció de Mathilde i Albert Bensoussan i Denise Boyer. París : José Corti, 1991, p. 41-43