La fièvre de l'or

Narcís Oller
Narcís Oller

Il était midi sonné quand Gil Foix, suivi d’un négrillon portant une grande corbeille, sonnait à la porte de son nouvel appartement, un premier étage rue Ample. Déjà en bas, dans la spacieuse entrée, il avait contemplé, une fois de plus, le riche effet produit par les grandes plaques de marbre enchâssées de chaque côté, avec d'élégants cadres de chêne contenant des inscriptions dorées, les cours du jour et les taux de change ; il avait senti un fort battement de cœur en foulant le moelleux tapis qui enrichissait le marbre de l'escalier de son rouge éclatant bordé de noir et que des barres dorées maintenant sur les marches. Un portier galonné retint la porte vitrée jusqu'à ce que le patron eût tourné au deuxième palier.

"Ah, ça c'est agréable! Ça c'était, pour sûr, être riche! Rien que ça vous dilatait le cœur, inspirait confiance ; cela attirerait les clients comme les mouches devant le miel. Et puis, comme c'était commode! Un appartement avec deux portes: celle qu'il venait de franchir, avec la grande plaque en acier Gil Foix et juste en face celle de la famille, la porte où il venait de sonner, austère, sans inscriptions, en chêne, nette et polie comme sa garniture de nickel. Qui aurait pu le dire, du jeune enfant du chœur de Sant Just? Tout cela fruit de sa sueur, gagné par lui sou à sou, conquis honnêtement, avec loyauté et honneur. "

Songeant à cela, sur ce palier, l'admiration envers lui-même troubla sa vue avec une larme. Gil Foix éclatait de satisfaction. Il ne sentait pas le froid qui faisait trembler le groom. Son cœur était plein de flamme!

Oller, Narcís. La fièvre de l'or. Paris: ELA La Différence, 1996, pàg. 42

Traduït per Mathilde Bensoussan

Mathilde Bensoussan