Printemps et automnes

Baltasar Porcel
Baltasar Porcel

La Belle Egèria, au charme rêveur, bavardait auprès de la grande cheminée, avec ses oncles, Albert le Jeune, charmé par les contorsions engageantes de la flamme, et Honorat Moro, hirsute, les doutes voûté, misanthrope, habitant les hautes plaines du territoire municipal d'Orlandis.

-... Oncle Bernat veut l'horloge parce qu'elle symbolise un rêve d'enfant, c'est vrai, mais aussi parce qu'elle est allemande, la meilleure qu'on ait jamais eue à Orlandis. Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'à l'étranger on fait les choses autrement, qu'on mène une autre vie. Ah! comme j’aimerais connaitre d'autres pays, d'autres gens ! Penser que je ne le fais pas, ça me chagrine... Le bonheur n'est-il pas de connaître des choses différentes, nouvelles ?

Albert le Jeune, son visage aux traits si nobles sillonné par tant de rides très fines, à présent diaboliquement rougi par le feu, regarda sa nièce, stupéfait par sa question, sans bien en comprendre la raison. Il ne savait pas non plus que lui dire, En réalité, il ne le savait jamais, sauf quand on parlait de lui, de ses histoires idéalisées.

En revanche, son beau-frère Honorat, tout en mangeant des amandes grillées, l'air sceptique:

- L'animal humain ne change pas. Ou alors, c'est pour être pire encore.

Porcel, Baltasar. Printemps et automnes. Arles: Actes sud, 1993, pàg. 30

Traduït per Mathilde Bensoussan

Mathilde Bensoussan